Le 31 juillet a été consacré Journée Internationale de la Femme Africaine (JIFA). Une date historique, une journée de haute facture, mais qui, malheureusement, demeure méconnue. En effet, contrairement à la journée du 08 Mars, Journée Internationale de la Femme, célébrée partout à travers le monde avec une forte mobilisation, la célébration de la JIFA ne suscite pas le même engouement, particulièrement dans les pays africains.
L’idée d’une JIFA serait née à Dar Es Salam en 1962, à l’initiative de AOUA KEITA[1], militante et première femme députée malienne. Après les indépendances, malgré les différences ethniques et linguistiques, les femmes de tout le continent africain ont senti la nécessité de conjuguer leurs forces, de travailler en synergie autour d’un idéal commun notamment celui de contribuer à l’amélioration des conditions de vie de la femme africaine et à son émancipation.
C’est ainsi qu’elles se sont rencontrées pour la première fois à Dar Es Salam au Tanganyika, actuelle Tanzanie, le 31 juillet 1962. Elles ont mis en place la première organisation de femmes africaines dénommée « la Conférence des Femmes Africaines », laquelle, deviendra « l’Organisation Panafricaine des Femmes (OPF) ». Suite à cette rencontre, la JIFA a été promulguée par les Nations Unies en 1962, avant d’être officiellement consacrée le 31 juillet 1974, lors du premier Congrès de l’Organisation panafricaine des femmes à Dakar.
Depuis cette date, du chemin a été parcouru par les femmes. En Afrique, des femmes ont marqué l’histoire[2] par le rôle important qu’elles ont eu à jouer au sein de leurs pays. Les femmes, affichant de plus en plus, un leadership avéré, sont de plus en plus déterminées, à travers un combat constant, à satisfaire cette ambition légitime de pouvoir contribuer à la consolidation de la démocratie et au développement durable de leur pays.
Elles font preuve d’audace et se donnent les moyens de faire des études supérieures pour pouvoir prétendre à des postes de responsabilité. Elles briguent des postes de présidentes, ministres, chefs d’entreprise, agricultrices, chefs de service, etc. Elles s’imposent dans l’échiquier politique, en se frayant un chemin dans les instances de décision. Autant de responsabilités qu’elles conjuguent avec une vie d’épouse, de mère et de femme leader.
De 1974 à nos jours, les droits des femmes en Afrique semblent connaitre une évolution majeure. A l’instar de la communauté internationale, les Etats africains ont adopté, dans le cadre de l’OUA, actuelle UA, de nombreux instruments régionaux dans le but de protéger les femmes. Il s’agit notamment :
- du protocole additionnel à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples relatifs aux droits des femmes en Afrique, communément appelé « Le Protocole de Maputo », adopté le 11 juillet 2003 par l’Union Africaine à Maputo, au Mozambique et entré en vigueur en novembre 2005.
- de la Déclaration Solennelle pour l’Egalité de Genre en Afrique adopté par les Chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats membres de l’Union africaine, en Juillet 2004 à Addis Abeba (Ethiopie)
- de la Charte africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance adopté le 30 janvier 2007[3] ,
- du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatifs aux personnes âgées adopté le 31 janvier 2016 ainsi que
- du protocole relatif aux personnes vivant avec un handicap.
Au chapitre de ces avancées, on peut également citer l’Acte additionnel relatif à l’égalité de droits entre les femmes et les hommes pour le développement durable dans l’espace CEDEAO, adopté le 19 mai 2015 lors de la 47ème Session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement tenue à Accra au Ghana.
Nombre de ces textes cités ont été signés et ratifiés par beaucoup d’Etats africains, dont le Sénégal. En effet, il faut noter qu’au Sénégal des avancées significatives ont été enregistrées à travers l’adoption de plusieurs lois et décrets dans différents domaines. Il s’y ajoute la mise en place de plusieurs programmes et politiques contribuant à l’autonomisation des femmes tels que le Plan d’Action National de lutte contre les VBG[4], la Stratégie Nationale pour l’Equité et l’Egalité de Genre (SNEEG 1 et 2)[5] entre autres [6].
Toutefois, cet arsenal juridique aussi bien laborieux que propice, ne semble pas suffire pour assurer une effectivité des droits des femmes. Ces dernières font encore l’objet de nombreuses discriminations émanant de considérations socio-culturelles, mais aussi parfois des lois nationales. Les femmes sont toujours sous représentées dans les instances de décisions. Elles sont les principales victimes des violences basées sur le genre.
Il est donc urgent et important de rallumer la flamme des femmes africaines qui ont été à l’origine de la JIFA.Chaque année, cette journée devrait être l’occasion de faire le bilan de l’effectivité des droits des femmes en Afrique.
Elle permettrait de maintenir perpétuellement allumée cette flamme de l’engagement, du dévouement et du leadership des femmes et des filles africaines, afin qu’elles puissent relever tous les défis que la promotion et la défense de leurs droits sur le continent leur imposent.
Le 31 juillet, une date donc à retenir et à inscrire dans l’agenda des acteurs de promotion des droits des femmes !!!
Marina Binta KABOU
Juriste, Militante des droits Humains
Membre de l’Association des Juristes Sénégalaises