ÉTUDE: Normes sociales, difficultés d’accès à la justice, incrédulité, culpabilité…

Ayant constaté une persistance des violences sexuelles au Sénégal surtout en milieu rural, malgré l’existence d’un important arsenal juridique, le Réseau africain pour le développement intégré (Radi) a mené une étude pour en connaitre les causes. C’est ainsi que les recherches menées dans la région de Kolda ont montré qu’il y a une impunité des violences sexuelles due, entre autres, aux normes sociales et difficultés d’accès à la justice.

La persistance des violences sexuelles au Sénégal surtout en milieu rural, malgré l’existence d’un important arsenal-juridico-légal, a conduit le Réseau africain pour le développement intégré (Radi) à mener une recherche pour en connaitre la raison. Lors d’une rencontre avec la presse hier, les auteurs de cette enquête ont fait savoir que leur travail a révélé «l’ampleur et les formes de violences sexuelles, ainsi que les difficultés d’accès à la justice que rencontrent les femmes victimes». Menée dans la région de Kolda, cette étude a été effectuée sur la base d’un échantillon de 330 femmes âgées de 18 ans et plus. Selon Fatma Lamesse, chercheur nationale dans le cadre de ce projet, sur cet échantillon 46 femmes, soit 14% «ont été victimes de violences sexuelles». De même, elle a souligné que «les registres judiciaires ont révélé l’existence d’autres formes de violences sexuelles, dont la plus récurrente est le viol sur mineure de moins de 13 ans, variant entre 50 et 60% des cas enregistrés». D’après Mme Lamesse, les victimes interrogées, «toutes formes de violences confondues, sont essentiellement jeunes avec un âge médian de 21 ans (68%), peu ou pas instruites (79%)». «Du fait de l’importance du mariage précoce, elles sont dans leur écrasante majorité mariées», a-t-elle ajouté.
Cette étude, qui met l’accent sur les causes profondes de l’impunité des violences sexuelles en zone rurale notamment dans la région de Kolda, révèle que les normes sociales sont le premier obstacle à la dénonciation. D’après la coordonnatrice de ce projet, il a été constaté que «la peur de la stigmatisation de représailles physiques et mystiques, de l’incrédulité, de la culpabilisation constituent la principale cause de la non-dénonciation, qui se traduit par le silence des victimes et la dissimulation par les familles». Soulignant aussi que «ces facteurs entrainent un manque de confiance en la justice».
          Mme Oumoul  Khaïry Coulibaly  soutient que «la justice non formelle, c’est-à-dire coutumière, devient ainsi le premier recours en cas de dénonciation». Alors que celle-ci «généralement contrôlée par des acteurs masculins et peu sensible au genre, n’a ni la vocation ni les moyens de sanction. Elle privilégie la médiation au nom du maintien de la cohésion sociale». Les autres obstacles relevés dans le cadre de cette étude, c’est l’ignorance des procédures de saisine de la justice, l’enclavement des villages, l’éloignement et le déficit de structures et de personnel de santé et judiciaire. Il y a également des entraves inhérentes au cadre juridico-institutionnel. D’après les auteurs de cette étude, «malgré les sanctions pénales prévues pour les violences sexuelles (à l’exception du viol conjugal et de la consommation du mariage forcé), la recherche a montré un sentiment d’insatisfaction des victimes à l’endroit de la justice». Par exemple, on souligne qu’en «cas de viol ou de pédophilie, les peines prévues par le Code de procédure pénale ne sont pas toujours appliquées à cause, entre autres, de la difficulté d’établir les preuves et du recours abusif aux circonstances atténuantes». A cela s’ajoute, «le fait que la loi laisse un vide juridique sur la consommation d’un mariage avec une mineure âgée entre 13 et 16 ans». «En effet, le Code de la famille fixe l’âge du mariage au Sénégal à 18 ans, mais avec possibilité de dérogation pour les filles qui peuvent se marier à 16 ans révolus avec l’autorisation des parents», a-t-on expliqué.

Recommandations
Prenant en compte tous ces aspects, le Radi recommande à l’Assemblée nationale de «criminaliser le viol» et de «légiférer sur le viol conjugal et la consommation du mariage précoce entre 13 et 16 ans». Autres recommandations formulées par cette Ong : installer des «maisons de la justice dans les zones enclavées et démunies, de renforcer le personnel judiciaire avec la mise au point d’un protocole permettant la constatation des violences sexuelles». Il est demandé aussi de «rendre gratuits les frais de justice», de «contraindre les services compétents à assumer leur devoir de rechercher les preuves d’une agression sexuelle». Mais aussi de «mener des politiques vigoureuses en matière d’arrestation et de poursuite ainsi que des condamnations appropriées pour garantir l’obligation (de l’auteur) de répondre de ses actes». Ceci dans le but «de prévenir et réduire les violences sexuelles».

dkane@lequotidien.sn


Article 320 bis (loi n° 99-05 du29 janvier 1999)

Tout geste, attouchement, caresse, manipulation pornographique, utilisation d’images ou de sons par un procédé technique quelconque, à des fins sexuelles sur un enfant de moins de seize ans de l’un ou l’autre sexe constitue l’acte pédophile puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans. Si le délit a été commis par un ascendant ou une ;personne ayant autorité sur le mineur, le maximum de la peine sera toujours prononcé. La tentative est punie comme délit consommé.

Article 320 ter (Loi n° 99-05 du 29 janvier 1999)

Le fait de favoriser la corruption d’un mineur est puni d’un emprisonnement de un à cinq ans et d’une amende de 100.000 à 1.500.000 francs. Les peines encourues sont de trois à sept ans d’emprisonnement et de 200.000 à 3.000.000 francs d’amende lorsque le mineur est âgé de moins de treize ans accomplis. Les mêmes peines sont notamment applicables au fait, commis par un majeur, d’organiser des réunions comportant des exhibitions ou ,des relations sexuelles auxquelles un mineur assiste ou participe.