La célébration de la Journée internationale de la femme est une occasion solennelle pour poser les problèmes liés à la condition féminine. Depuis son institutionnalisation par l’ONU, cette journée constitue un prétexte pour mettre en orbite le statut des femmes à travers le monde.

Au Sénégal, la célébration de cette journée se fait de différentes manières. Elle s’est souvent faite sous le sceau du folklore, d’activités festives et de grands rassemblements. Mais on doit se féliciter des tournures que la célébration la Journée internationale de la femme a prise ces dernières années. En effet, le 08 mars se transforme progressivement en un moment de solidarité, de communion et d’interpellation sur la condition réelle des femmes dans leurs diversités. C’est donc une dynamique à encourager puisqu’elle redonne à cette commémoration toute sa symbolique, en permettant aux femmes de poser des actions à haut impact social et économique.

Le thème retenu cette année par la communauté internationale, « L’heure est venue : les activistes rurales et urbaines transforment la vie des femmes », trouve toute sa pertinence dans le contexte Sénégalais actuel. Notre réflexion intitulée « Femme sénégalaise pour que ta vie change » se veut donc une contribution au débat sur le statut de la femme sénégalaise. C’est pour nous une forme de « domestication » du thème international pour ne pas dire une réorientation du sujet pour rendre compte de la réalité du vécu de femme dans notre pays.

En réfléchissant sur le statut de la femme sénégalaise, je reste convaincue qu’il faut changer et transformer certaines réalités ou situations que vivent les femmes. En effet, les femmes, qu’elles soient rurales ou citadines, ont besoin d’une amélioration considérable de leur condition au mieux de toute la société. Qu’est-ce qui doit changer dans la situation des femmes ? Qu’est-ce qu’il faut faire pour apporter les changements ? Quelle est la contribution attendue des hommes et des femmes ? Voilà une série de questions auxquelles nous n’avons pas forcément les réponses, mais qui méritent réflexions.

Qu’est-ce qui doit changer dans la situation des femmes ?

S’agissant de la première interrogation, on s’intéressera à trois aspects qui nous semblent prioritaires pour les femmes. Il s’agit de l’éducation et la formation des filles et des femmes, la santé maternelle et la participation des femmes à la gouvernance.

Répondre à la question qu’est ce qui doit changer dans la situation des filles et des femmes dans l’éducation et la formation, c’est justement mettre en évidence certains défis à relever dont la non scolarisation, la déscolarisation, la faible présence des filles dans les filières scientifiques, l’analphabétisme, la manque de qualification professionnelle. La liste est encore longue. Il convient de souligner que l’éducation et la formation sont les moteurs de tout changement. Des efforts importants sont notés en matière d’éducation des filles, avec notamment une amélioration considérable du taux de scolarisation. Le grand défi maintenant est celui du maintien et de la transition au niveau moyen et secondaire et dans le supérieur. A cela s’ajoute la formation en alphabétisation si on sait que le taux d’analphabétisme dans le pays est encore élevé surtout chez les femmes. Les plus jeunes femmes sans formation ou qualification ont besoin d’être formées et encadrées. Celles qui ne sont pas scolarisées ont plus que jamais besoin de l’appui du gouvernement et des bonnes volontés pour qu’elles ne soient pas des figurantes dans un monde qui bascule vers le numérique.

La santé maternelle

Les images des femmes enceintes sur des charrettes ou sur des motos dans des villages reculés, les images de la femme enceinte portant une bassine d’eau ou un fagot de bois, les images d’une femme enceinte pale et fébrile, la femme en travail qui recherche une structure pouvant l’accueillir pour accoucher et encore… peuplent le décor et font partie des plus grands défis à relever. Cette condition morose de la femme doit disparaitre dans une société qui veut promouvoir la justice sociale. Sans être spécialiste des questions de santé, il me semble qu’on peut réduire de façon significative les cas de mortalité maternelle si on redéfinit sensiblement les priorités dans les politiques publiques de santé. C’est avec tristesse et désolation que nous apprenons par voie de presse des cas de mortalité maternelle liés à l’absence d’infrastructures, d’une part, et à la défaillance du plateau technique ou encore à une mauvaise prise en charge, d’autre part. Certaines autorités font l’éloge de gratuité de la césarienne, à travers une analyse simpliste qui faire croire que la prise en charge d’une grossesse se limiterait à la délivrance. Il est aberrant de vouloir éradiquer le phénomène de la mortalité maternelle en passant sous les radars les questions fondamentales des visites prénatales au consultations post-natales.

Il faut aussi se demander où est-ce qu’on en est avec l’accessibilité géographique et la qualité des soins qui soulèvent d’autres questions comme celle de la disponibilité des structures de santé, du personnel qualifié et de l’offre de service adéquat. La prise en charge de ces éléments combinés pourrait changer la réalité des choses et permettre à la femme, quels que soient sa situation, son niveau de vie et son lieu de résidence, de recourir à des soins de santé de qualité. Force est de reconnaître qu’il faut encore élargir la carte sanitaire, faire une révolution dans l’offre de service, surtout dans le public et à travers l’implication de toute la communauté.

La participation des femmes à la gouvernance

Les nominations masculines, la promotion partisane ainsi que les manœuvres « politiciennes » sont des choses à changer. Le Sénégal s’est doté d’une loi sur la parité absolue homme-femme dans les instances électives et semi-électives. Cette loi est certes une avancée majeure, mais elle ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. On comprend aisément que la responsabilisation est avant tout une affaire de compétences et de savoir-faire dans un Etat de droit. Mais on se rend compte encore du faible taux de responsabilisation des femmes. Le fossé est encore significatif concernant la présence des femmes dans le gouvernement, dans les postes de directions ou encore à la tête des grandes entreprises. Les nominations des femmes sont encore faibles dans le secteur public. Pourtant, la constitution consacre, avec vigueur, dans l’article 5, alinéa 7 : « l’égal accès aux mandats et fonctions ». En respect à cette disposition, il me semble que les pouvoirs publics doivent agir autrement en mettant en avant la compétence et le mérite respectant ainsi l’équité et l’égalité des chances. Elles ne doivent plus s’inscrire dans des schémas électoraux facilitant la promotion des militants des partis politiques et des proches du pouvoir, c’est-à-dire la clientèle politique. Vu sous cet angle, la responsabilité des gouvernants et des décideurs est engagée. Les femmes ayant un niveau académique et les compétences leur permettant d’occuper des fonctions de direction doivent être promues aux postes de responsabilités.

Que faut-il faire pour apporter les changements ?

Le changement de la situation peu reluisante des femmes est possible. Le plus difficile n’est pas la question des moyens. Elle est certes un élément non négligeable mais pas le plus déterminant. Il faut d’abord des politiques publiques robustes clairement déclinées au niveau local et effectivement exécutées par les services et les moyens de l’Etat avant même l’intervention des partenaires techniques et financiers. Malheureusement, nous observons une dynamique inverse. Tous les programmes et politiques en faveur des femmes et des filles sont généralement impulsés et soutenus, non pas par l’Etat, mais par des partenaires.

C’est pourquoi il faut pour changer c’est le mode opératoire avec les programmes relatifs aux droits des femmes et des filles. Il faut s’inscrire dans des programmes durables et continues, mener des efforts constants et disposer d’un agenda stratégique qui transcende les régimes. Ceci n’est possible qu’avec une ferme volonté politique des autorités au plus haut niveau. En effet, il faut une volonté politique manifeste et non politicienne calquée sur un calendrier électoral.

On s’offusque de la façon dont les programmes en faveur des femmes sont fragmentés et soumis à des agendas autres que ceux de leur promotion. L’indignation est encore plus grande avec cette tendance à la glorification sinon à l’auto glorification sur des réalisations minimales par rapport à l’étendue des défis auxquelles les femmes font face. Des programmes sont annoncés, non pas en termes d’impacts sur la vie des femmes, mais plutôt en termes de milliards injectés dans ces programmes dont la portée et les incidences sur le niveau de vie des femmes bénéficiaires est difficilement perceptible.

Ce qu’il faut changer, c’est le mode d’intervention fragmentée des organisations de défense et de promotion des droits des femmes à qui la synergie d’action s’impose. Il y a eu certes des efforts dans le sens d’actions communes et conjointes, mais il faut c « repositionner » l’agenda des droits des femmes et s’attaquer aux questions prioritaires.

Quelle est la contribution attendue des hommes et des femmes ?

Pour imprimer un nouveau cachet à la célébration du 08 Mars, les gouvernants doivent prendre des mesures concrètes visant à améliorer la situation et la condition de la femme. Sans suivi et mesures d’accompagnement, l’on ne peut que rester perplexe quant à l’intérêt de la célébration de cette journée et l’élan transformatrice de la condition de la femme qu’elle doit susciter et inspirer.

Bravo à toutes les femmes et aux hommes épris de justice qui les soutiennent tous les jours sans jamais se lasser.

Bonne célébration.

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